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mardi 4 août 2015

Fiche de synthèse n°4 : "Quels défis pour la coopération policière et la sécurité intérieure ?"


Au cours des étés 2014 et 2015, securiteinterieure.fr vous propose une série d'articles rédigés sur un ton très pédagogique et sur un mode "fiches de synthèse" décrivant le paysage de la sécurité intérieure européenne.
Après Les origines de la coopération policière européenne, De la coopération policière à la sécurité intérieure européenne et De la Stratégie de sécurité intérieure I à la Stratégie de sécurité intérieure II, voici donc la 4e fiche intitulée "Quels défis pour la coopération policière et la sécurité intérieure ?".

Article écrit par securiteinterieure.fr et publié sur secunews (reproduction avec l'aimable autorisation).

Quels défis pour la coopération policière et la sécurité intérieure ?

L'Union a mis en place un ensemble d'instruments et de mécanismes destinés à surmonter les difficultés que rencontre la coopération policière.
Pour autant, le paysage de la sécurité intérieure demeure complexe, car il imbrique des structures formelles et informelles, des organismes hors UE et des organismes appartenant à l'Union, comme les agences européennes.
Ce paysage est surtout marqué par son caractère pragmatique dans lequel l’opérationnalité occupe une place prépondérante.

Les difficultés de la coopération entre les services de police et de sécurité de différents États membres  sont connues : problèmes de compréhension liés à la langue, difficulté de trouver un service homologue eu égard aux différences de répartition de compétences d'un pays à l'autre, difficultés juridiques découlant de la disparité des règles pénales, entraves au dialogue découlant des pratiques divergentes elles-mêmes résultat de différences culturelles nationales.

Pour faire face à cela, l'Union a mis en place un ensemble de moyens de natures diverses et variées :
  • instauration d'agences de sécurité, comme Frontex et Europol, destinées à faciliter l'échange d'informations,
  • création de bases de données européennes comme le Système d'information Schengen ou mise en réseau des bases de données nationales (via l’application du principe de disponibilité),
  • financement de recherches en vue de solutions techniques innovantes,
  • déploiement d'opérations communes sous l'égide des agences européennes,
  • développement de modules communs de formation et de mécanismes d'échange de personnel,
  • partage de bonnes pratiques et établissement de catalogues recensant celles-ci.

Les multiples formes de coopération policière européenne


Cela étant dit, le paysage de la sécurité intérieure est complexe, car il n'y a pas véritablement de centre.
L'Union se trouve au cœur d'une nébuleuse composée d'organismes et de structures avec qui elle tisse des liens plus ou moins denses. Les structures formelles de l'Union interagissent avec les structures informelles hors UE.
C'est le cas, par exemple, du TISPOL qui est un réseau hors UE fédérant des services répressifs spécialisés.
L'Union concourt au financement de certaines opérations, comme les opérations conjointes de police de la route organisées par cet organisme.

Ces formes de coopération tous azimuts se mêlent, les structures s'imbriquent et les pratiques se croisent.
Europol participe ainsi au partage d’expérience et à l'établissement de catalogues de bonnes pratiques, il prend part à la formation d'experts et il appuie les opérations communes dans le cadre de la lutte contre la criminalité. L'office européen de police entretient des liens étroits avec Frontex, notamment dans le cadre du SOCTA-UE, c'est-à-dire le rapport évaluatif de la menace que fait peser la criminalité organisée sur l'Union et ses États membres.
Des échanges d'informations ont lieu, par exemple concernant les filières criminelles opérant aux frontières de l'UE.

L'Union est elle-même composée de réseaux de professionnels organisés, par exemple autour d'Europol qui réunit les services de police judiciaires ainsi qu'un ensemble d'experts spécialisés. Europol héberge à ce titre l'EPE (the Europol Platform for Experts) qui est une plate-forme regroupant des experts spécialisés dans un domaine donné.
Font partie de l'EPE, la Plate-forme européenne d'experts en matière de gangs et l'EUnat qui est un groupe spécialisé sur les questions d'enlèvement, de prises d'otage et d'extorsion.

Tous ces différents dispositifs de coopération, qu'ils soient matériels et humains, sont destinés à faciliter la coopération entre les  services de police et de sécurité de différents États.
Il s'agit de surmonter les difficultés évoquées précédemment, mais au-delà, l’objectif est de parvenir à rapprocher les manières de  percevoir le danger (par exemple à travers les rapports évaluatifs de la menace comme le SOCTA), de rendre les méthodes d'action de ces services plus efficaces (à travers l'échange de bonnes pratiques) et surtout de faire converger les logiques d'action sur le mode de la gestion de risque, c'est-à-dire à travers une évaluation rationnelle du danger et une meilleure répartition des moyens sur la base d'une conception plus proactive de la lutte contre le danger identifié.

Une démarche pragmatique mais des défis nombreux

Enfin, ces différents dispositifs de coopération ont pour but de générer de la confiance. Or, le défi est que celle-ci ne se décrète pas. La confiance se tisse progressivement et elle est de nature à se développer à travers ces divers mécanismes propices à multiplier les partenariats, à densifier les relations interpersonnelles et à favoriser les collaborations de terrain.
De ce point de vue, la sécurité intérieure européenne apparaît comme une coopération pragmatique. Plutôt que d'agir par voie normative, susceptible de générer une résistance des services nationaux concernés et une hostilité de la part d'une opinion publique vis-à-vis d'une « Europe des normes », l'Union tend à privilégier, en matière de sécurité intérieure, une action opérationnelle fondée sur la stimulation de la coopération de terrain en prenant en compte les besoins des services de sécurité et de police ainsi que les préoccupations des États membres en matière de sécurité.

Reste que les défis à relever sont nombreux pour rendre plus performante la collaboration entre ces services de sécurité et de police.
Il est possible de citer pêle-mêle une meilleure évaluation de la menace pour une plus grande convergence de vues sur le type de risques pesant sur l'Union et ses États membres, une prise en compte, dans le cadre des évaluations hiérarchiques, de la qualité des prestations fournies à l'attention des pays partenaires, une valorisation de l’expérience européenne ou une meilleure prise en considération des parcours à l’étranger dans le cadre de la gestion des carrières (plus particulièrement des avancements proposés),  ou encore un perfectionnement des mécanismes de gestion de crise à l'échelle européenne (prévention, préparation, réaction et résilience).


Pierre Berthelet
Chercheur en sécurité au CDRE et auteur de : securiteintérieure.fr

Fiches disponibles :

Et pour une analyse plus approfondie, lire Le paysage européen de la sécurité intérieure (Peter Lang) écrit par l'auteur de securiteinterieure.fr

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