Pages

jeudi 28 mars 2024

Immigration clandestine : la route de la Méditerranée orientale voit son volume d’arrivée multiplié par deux et celle de l'Afrique de l'Ouest par… cinq

 


Le tout dernier rapport de Frontex met en évidence le dynamisme des routes migratoires. Même si la situation semble se stabiliser, ces routes évoluent rapidement, en témoigne la recrudescence du nombre de passages par celle de la l'Afrique de l'Ouest. De son coté, un rapport sur l’immigration souligne l’importance du rôle opérationnel des agences européennes en la matière. A ce sujet, la montée en puissance de Frontex devient toujours plus palpable avec plus de 2500 garde-frontières déployés.
A noter également des partenariats opérationnels été mis en place avec des pays partenaires pour combattre le trafic de migrants en vue d’une coopération plus approfondie avec Frontex et Europol.


Le succès de la route de l'Afrique de l'Ouest


D’après Frontex, la route de l'Afrique de l'Ouest est restée la route migratoire la plus fréquentée de l'UE, avec des arrivées en janvier et février atteignant près de 12 100. Il s'agit du total le plus élevé pour ces deux mois depuis que Frontex a commencé à collecter des données en 2011.

La deuxième route migratoire la plus active était la Méditerranée orientale, avec le nombre de détections qui a plus que doublé pour atteindre 9 150 au cours des deux premiers mois de l’année.
 
 
Une stabilisation du nombre d’arrivées 
 
Toujours selon Frontex, le nombre de passages irréguliers des frontières vers l'Union européenne au cours des deux premiers mois de 2024 a atteint 31 200, soit un niveau similaire à celui d'il y a un an. 
La Méditerranée centrale a connu la plus forte baisse des détections de passages irréguliers parmi les principales routes (-70 %), tandis que les routes de l'Afrique de l'Ouest et de la Méditerranée orientale ont connu les plus fortes augmentations (+541 % et +117 %, respectivement).

cliquez sur l'image pour agrandir

nombre de franchissements illégaux (janvier/février 2024)
source: Frontex

La route de la Méditerranée centrale, qui a connu le plus grand nombre de traversées irrégulières en 2023, a continué d'afficher une tendance à la baisse par rapport aux derniers mois, avec une baisse de 70 % sur un an pour atteindre un peu plus de 4 300. En janvier, environ 2000 détections ont eu lieu sur le parcours.


Un chantier qui s’ouvre pacte sur la migration et l’asile

Selon le rapport sur l’immigration, l’accord politique historique entre le Parlement européen et le Conseil relatif au pacte dotera l’Union d’une base juridique solide pour gérer la migration de manière globale et intégrée. Onze actes législatifs étroitement liés garantiront une approche collective visant à mieux sécuriser nos frontières extérieures, un système de solidarité et de responsabilité équitable et plus efficace, ainsi que des procédures d’asile efficaces offrant une meilleure protection aux personnes dans le besoin.

La Commission a entamé les préparatifs afin de mettre en œuvre et de rendre opérationnel le pacte. D’ici juin 2024, la Commission présentera un plan commun de mise en œuvre qui définira la voie à suivre et sera assorti d’une feuille de route, d’un calendrier et de jalons concernant les actions de l’Union et des États membres. Le plan recensera les lacunes et les mesures opérationnelles nécessaires pour faire en sorte que tous les États membres mettent en place les capacités juridiques et opérationnelles requises afin de commencer à appliquer avec succès la nouvelle législation d’ici à 2026.

Le plan de mise en œuvre de la Commission comprendra des analyses des lacunes par pays qui pourront servir de base aux États membres afin d’élaborer leur propre plan national de mise en œuvre. Les États membres devront également élaborer des stratégies nationales, qui constitueront ensuite la base d’une stratégie européenne quinquennale de gestion de l’asile et de la migration, qui sera élaborée par la Commission dans un délai de 18 mois à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles règles.


Une approche axée sur l’ensemble de la route

D’après le rapport sur l’immigration, l’une des principales innovations de ces dernières années a été de s’orienter vers une approche axée sur l’ensemble de la route afin de traiter les mouvements mixtes de réfugiés et de migrants, en tenant compte de l’ensemble des situations dans lesquelles les personnes peuvent se trouver et en les examinant avec les pays d’origine et de transit.
La Commission a élaboré quatre plans d’action de l’UE – consacrés aux routes des Balkans occidentaux, de la Méditerranée centrale, de l’Atlantique/de la Méditerranée occidentale et de la Méditerranée orientale – afin de tracer la voie à suivre pour une action collective et opérationnelle sur ces routes. Ils contiennent une série d’actions qui, à ce jour, sont en train d’être mises en œuvre ou sont déjà achevées. Cette approche plus ciblée et coordonnée a renforcé la réactivité et l’agilité de l’Union face à des défis en constante évolution, grâce à un large éventail de mesures à court et moyen terme.
Les plans d’action de l’UE s’adaptent aux spécificités de chaque route et renforcent le soutien apporté par l’Union aux États membres soumis à une pression migratoire et aux pays partenaires, notamment grâce au travail des agences de l’UE. Les actions de ces plans visent à réduire la migration irrégulière et dangereuse.


Un exemple plan d’action : les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique

Le rapport sur l’immigration indique que le plan d’action de l’UE concernant les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique, adopté en juin 2023, met l’accent sur le renforcement des mesures opérationnelles concernant la recherche et le sauvetage, la prévention des départs irréguliers, la protection des frontières, les procédures de retour, et la migration de la main-d’œuvre. Son approche axée sur l’ensemble de la route a renforcé la coopération avec le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Gambie. Le plan consiste notamment à renforcer les capacités, à intensifier les activités de lutte contre le trafic de migrants, la gestion des frontières, la protection, et la migration de main-d’œuvre, ainsi qu’à relever les défis découlant des problèmes de sécurité au Sahel.


Les agences sur tous les fronts

Des experts des agences de l’UE, telles que l’AUEA, Europol, Frontex et Eurojust, sont déployés aux principaux points d’entrée pour aider les autorités nationales à identifier les personnes qui pénètrent sur le sol de l’Union.

Au 4 mars 2024, Europol comptait 79 déploiements dans 11 États membres et en Moldavie.
Ces équipes, composées de spécialistes d’Europol et d’agents invités, aident les autorités nationales dans le cadre de contrôles de sécurité secondaires et d’enquêtes. Elles recueillent également des informations sur le terrain, qui sont utilisées pour réaliser des évaluations de la menace criminelle au niveau européen et soutenir les enquêtes.

Les équipes d’appui «asile» de l'Agence de l’UE pour l’asile (AUEA) déployées dans l’ensemble de l’UE apportent un soutien aux autorités nationales compétentes en matière d’asile et d’accueil dans les domaines de la gouvernance, de la planification stratégique, de la qualité et des procédures.
Au 3 mars 2024, l’AUEA comptait 1 141 déploiements dans 12 États membres.


Le fer de lance : les déploiements de Frontex


Au début de l’année 2024, Frontex compte 22 activités opérationnelles en cours qui visent à soutenir les États membres et les pays associés à l’espace Schengen en matière de contrôle aux frontières et de retour, de même que des pays partenaires. À ce jour, l’Agence a déployé plus de 2 700 membres du corps permanent. Les opérations apportent un soutien à la surveillance des frontières terrestres, maritimes et aériennes. Elles soutiennent entre autres tâches les contrôles aux points de passage frontaliers ainsi que les opérations de retour.
Aujourd’hui, 2650 garde-frontières et garde-côtes du contingent permanent sont déployés afin d’aider les États membres dans le cadre des contrôles aux frontières, des opérations de retour et de la surveillance des frontières.

Au début de l’année 2024, Frontex avait déployé plus de 500 agents dans les Balkans occidentaux, en Albanie, au Monténégro, en Macédoine du Nord et en Serbie, ainsi qu’en Moldavie, pour aider les autorités nationales dans les domaines de la gestion des frontières, de la surveillance, de la détection des documents falsifiés et de la lutte contre la criminalité transfrontalière, ainsi que des véhicules utiles à ces tâches.

Des avancées considérables, dont la conclusion par Frontex de 17 arrangements de travail et de cinq accords sur le statut, ont été réalisées durant le mandat actuel. Ces arrangements et accords comportent systématiquement des garanties en matière de droits fondamentaux. Actuellement, plus de 500 officiers de liaison sont dépêchés dans les pays tiers, qui œuvrent dans le cadre d’un réseau européen commun et sont chargés de collecter et de partager des informations essentielles en vue d’obtenir une vision commune de la situation au niveau européen.


Des partenariats opérationnels visant à combattre le trafic de migrants


Des partenariats opérationnels, spécifiques et adaptés aux besoins, ont été mis en place avec des pays partenaires, les États membres et les agences des Nations unies pour combattre le trafic de migrants dans des endroits stratégiques. Un premier partenariat a été lancé avec le Maroc en juillet 2022, ouvrant la voie à une coopération plus approfondie avec Frontex et Europol.

A lire aussi sur securiteinterieure.fr :


Ce partenariat pourrait conduire à la conclusion d’un accord de travail et au déploiement d’un officier de liaison. Le partenariat opérationnel avec la Tunisie, conclu en avril 2023, couvre les négociations menées en vue d’un accord de travail avec Europol et de la poursuite de la coopération avec CEPOL et sera complété par un programme, doté d’un budget de 18 millions d’euros, en faveur de la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains en Tunisie. Un partenariat opérationnel régional avec les Balkans occidentaux a été lancé en novembre 2022 et a été suivi en juin 2023 d’un programme régional de lutte contre le trafic de migrants d’un montant de 36 millions d’euros.

Une boîte à outils opérationnels et diplomatiques


La Commission est présente en Afrique et en Asie dans le cadre d’une coopération opérationnelle bilatérale et régionale. Cette coopération se traduit notamment par un soutien à la coopération policière et judiciaire, par le renforcement des capacités de gestion des frontières terrestres et maritimes et par l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation. Des campagnes d’information financées par l’UE ont été lancées au printemps 2023 afin de mettre les migrants en garde contre les dangers liés à l’acceptation d’une aide des passeurs. Ces campagnes ciblent les pays d’origine et de transit situés le long des principales routes migratoires, notamment le Nigeria, la Tunisie, le Maroc, le Sénégal, la Gambie, le Pakistan et l’Iraq.
En outre, en juin 2023, la Commission a adopté une boîte à outils visant à lutter contre l’utilisation de moyens de transport commerciaux pour faciliter la migration irrégulière vers l’UE. Ces outils consistent notamment en un ensemble de mesures opérationnelles et diplomatiques devant permettre de remédier à l’augmentation de l’utilisation abusive du transport commercial par les réseaux criminels qui se livrent au trafic de migrants. La boîte à outils a été mise en place afin d’encadrer les discussions avec les pays partenaires (Turquie, Pakistan) et contribue de la sorte à la diminution des arrivées irrégulières dans l’UE, en particulier à Chypre.

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

A lire aussi sur securiteinterieure.fr :

jeudi 21 mars 2024

Crise sanitaire, accident nucléaire, menaces hybrides, cyberattaques: la situation sécuritaire mondiale s'aggrave et converge avec d’autres risques

 


Un rapport sur l’état de la protection civile en Europe vient d’être publié et la situation n’est pas glorieuse. D’un côté, les menaces actuelles s’aggravent, comme les phénomènes météorologiques extrêmes ou les perturbations des infrastructures critiques, tels que les cables sous-marins. De l’autre, au vu des rapports nationaux, de graves lacunes sont mis en évidence. Ainsi, les pratiques nationales de collecte de données sur les conséquences des catastrophes passées ne sont pas systématiques et sont très incomplètes. En outre, les méthodes de recensement et d’analyse des risques varient d’un pays à l’autre et d’un type de risque à l’autre. D'autres incohérences sont pointées, si bien que la marge de manoeuvre de progression est importante.



Un monde toujours plus dangereux

Le rapport note qu’un nouveau paysage de gestion des risques de catastrophe se dessine. Ces dernières années, le monde a connu des températures record et de nombreuses catastrophes aux effets dévastateurs. Le continent européen et son voisinage ont été frappés par des vagues de chaleur, des sécheresses, des inondations et des incendies de forêt désastreux.
Compte tenu de la rapidité inattendue du changement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes et les menaces pesant sur les vies et les moyens de subsistance sont très susceptibles d’augmenter à l’avenir.
En outre, l’aggravation de la situation mondiale en matière de sécurité et la convergence d’autres menaces et chocs, notamment les risques sanitaires, les menaces hybrides, les tremblements de terre et les perturbations des infrastructures critiques, représentent des risques croissants pour la société européenne.


D’où vient-on et de quoi parle-t-on ?

En 2001, l’UE a mis en place un mécanisme communautaire de protection civile, axé sur la coopération entre les États membres de l’UE en matière de réaction aux catastrophes.
Depuis lors, la Commission européenne coordonne le soutien mutuel entre les États membres.

Les objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes adoptés en février 2023 augmentent le niveau d’ambition en matière de prévention et de gestion des risques de catastrophe aux niveaux européen et national et fixent un programme commun ambitieux pour l’avenir.

Conformément aux actions exposées dans la communication sur les objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes, ce rapport a recensé un certain nombre d’actions et de recommandations complémentaires qui sont nécessaires pour atteindre ces objectifs dans les pays participant au MPCU.
Les 27 États membres et 10 États participants font partie du MPCU (Islande, Macédoine du Nord, Monténégro, Norvège, Serbie et Turquie; l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine y ont adhéré en 2022; la République de Moldavie et l’Ukraine y ont adhéré en 2023.


Un mécanisme de protection civile » qui tourne à plein régime

En 2013, la décision du 17 décembre 2013 relative au mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU) a été adoptée pour consolider ces efforts et renforcer la préparation aux situations d’urgence à tous les niveaux. Lorsqu’une crise, quelle qu’elle soit, dépasse les capacités d’un seul pays, ce mécanisme fournit l’ossature opérationnelle qui permet la réaction collective de l’Europe, tant dans l’UE (y compris dans les régions ultrapériphériques) qu’à l’extérieur de celle-ci.

La demande d’assistance au titre du MPCU a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie.


en bleu : demande d'assistance
en jaune : demande d'assistance venant l'Ukraine

Graphique 1. Nombre de demandes d’assistance adressées au MPCU par les États membres de l’UE et les États participants face à un dépassement des capacités de réaction nationales. En 2022, l’Ukraine a introduit 126 demandes d’assistance auprès du Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) et, en 2023, 50 autres demandes, après avoir activé le MPCU peu avant le début de l’invasion russe. Source: ERCC, janvier 2024. 


Risques nucléaires, radiologiques industriels, inondations et incendies de forêt

En vertu de la décision de 2013, les rapports nationaux sur la gestion des risques de catastrophe doivent être soumis à la Commission tous les trois ans.
Parmi les risques majeurs, les phénomènes météorologiques extrêmes, les risques pandémies et les risques industriels.


Selon le rapport, les principaux risques préoccupants les plus couramment signalés depuis 2015 sont confirmés. Pour au moins deux tiers des États membres et des États participants, les risques naturels et risques pour la santé humaine majeurs sont :

  • les inondations,
  • les phénomènes météorologiques extrêmes,
  • les problématiques liées à la santé humaine/les pandémies, les sécheresses et les incendies de forêt.
  • Les risques d’origine humaine ou technologique les plus courants sont :
  • les risques nucléaires et radiologiques,
  • les risques industriels,
  • les perturbations des infrastructures critiques.




Une inquiétude autour de la sécheresse, d’accidents nucléaires et radiologiques et des cybermenaces

Certains risques de catastrophe sont de plus en plus préoccupants dans toute l’Europe. La sécheresse est le risque pour lequel le niveau de préoccupation a le plus augmenté. En 2020, deux fois plus d’États membres de l’UE qu’en 2015 ont qualifié les sécheresses de risque pertinent.
Le niveau de préoccupation a également augmenté en ce qui concerne les risques d’accidents nucléaires et radiologiques, les risques liés à la santé humaine, les cybermenaces, les tsunamis et les déplacements de population, les risques liés aux masses solides (glissements de terrain, avalanches, éboulements de rochers et affaissements des sols), les risques géopolitiques et sociétaux, les risques liés aux transports et les risques environnementaux et chimiques.


Evaluations des risques : se concentrer sur les changements à long terme

Le rapport note qu’il importe d’être vigilant face aux risques qui ne sont recensés que par quelques pays.
Par exemple, quelques pays évoquent les tempêtes solaires, qui pourraient entraîner des perturbations majeures des systèmes informatiques, ainsi que certains risques environnementaux et chimiques, tels que l’apparition de nouvelles espèces envahissantes et la perte de biodiversité.
Les pays se concentrent principalement sur les risques à court terme; l’ampleur et la dimension de la dégradation de l’environnement et du changement climatique d’origine humaine nécessitent toutefois de mettre davantage l’accent sur les changements à long terme dans les évaluations des risques.


Les rapports nationaux sur la gestion des risques de catastrophe : « peut mieux faire »

Le nombre de rapports reçus depuis 2013 reste relativement stable et élevé, même si tous les rapports requis n’ont pas été fournis. La Commission a reçu 31 rapports (sur 34) en 2015, 30 (sur 34) en 2018 et 32 (sur 33) pour l’échéance de 2020.
Sur la base d’une analyse des rapports de synthèse des États membres et des États participants mis à sa disposition, la Commission a pu tirer de grandes conclusions en ce qui concerne la gestion et la prévention des risques de catastrophe.
Ce rapport montre que, bien que des progrès considérables aient été réalisés, des améliorations sont encore possibles à différents niveaux.


Un volet « prévention » manquant dans la planification de la gestion des risques de catastrophe


Trois quarts des États membres et des États participants déclarent avoir mis en place des cadres juridiques complets pour la gestion des risques de catastrophe. Ces cadres sont souvent complétés par une législation établissant des responsabilités infranationales et sectorielles.
Plus d’un tiers des pays déclarent avoir mis en place sous une forme ou une autre un document de planification de la gestion des risques.

Environ un quart des pays indiquent avoir adopté sous une forme ou une autre une stratégie nationale globale en matière de sécurité ou de gestion des catastrophes. Les mesures portent principalement sur la préparation (systèmes d’alerte précoce, par exemple), tandis que les mesures de prévention signalées sont moins nombreuses.
Par exemple, des mesures de prévention liées à l’occupation des sols et à l’aménagement du territoire pour gérer les inondations, les risques industriels, les tremblements de terre et les risques volcaniques n’ont été signalées que par quelques pays.


Des données manquantes et des informations incomplètes

Si la plupart des pays font état de certaines mesures de prévention et de préparation, peu d’informations sont fournies sur la manière dont ces mesures ont été hiérarchisées et sur le moment où elles seront mises en œuvre.

Les pratiques nationales de collecte de données sur les conséquences des catastrophes passées ne sont pas systématiques et sont très incomplètes.
Bien que les pays fassent état de mesures pour les risques transfrontières et les risques à faible probabilité d’occurrence mais à fort impact, très peu d’entre eux ont communiqué le calendrier de mise en œuvre de ces mesures et les modalités de financement y afférentes.

Les rapports nationaux révèlent que la collecte de données relatives aux pertes causées par les catastrophes est très fragmentée et non structurée dans presque tous les pays et qu’un seul pays suit une approche cohérente au niveau national.
Les méthodes suivies pour déterminer le niveau de risque diffèrent.
Lorsqu’un risque ne peut pas être évalué par des moyens probabilistes et quantitatifs, d’autres approches qualitatives sont utilisées. Environ la moitié des pays ont appliqué des approches semi-quantitatives ou qualitatives pour déterminer le niveau de l’impact.

Les pays ne font pas tous état de mécanismes de réexamen régulier, même si des réexamens réguliers des évaluations des risques sont nécessaires pour tenir compte de l’évolution du paysage des risques.
La plupart des pays ont fourni des informations sur leurs pratiques de cartographie des risques. Néanmoins, aucune information n’a été fournie en ce qui concerne des cartes de risques transfrontières.


Des approches nationales (trop) différentes

Les méthodes de recensement et d’analyse des risques varient d’un pays à l’autre et d’un type de risque à l’autre. Environ un tiers des pays déclarent suivre une approche d’analyse par scénario d’aléa unique pour recenser les risques, les scénarios recouvrant plusieurs aléas étant moins fréquemment mentionnés. Seuls quelques pays ont fourni des informations sur les critères qu’ils ont utilisés pour recenser les risques à faible probabilité d’occurrence mais à fort impact.

Les pays utilisent également des systèmes différents pour classer les risques. Si la classification des risques de catastrophe naturelles est assez claire, celle des risques d’origine humaine, technologique et sociétale varie davantage.
En outre, seuls quelques pays mentionnent l’horizon temporel des scénarios. Cela limite la compréhension de la manière et de la mesure dans laquelle des facteurs importants tels que le changement climatique sont pris en considération.

La mise à la disposition du public des résultats des évaluations des risques est inégale. Seule la moitié des pays mettent les évaluations des risques à la disposition du public et un quart fournissent des liens vers des cartes de risques accessibles au public.
Certains rapports donnent des exemples d’élaboration de scénarios et d’autres font référence aux scénarios du changement climatique établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Toutefois, il n’y a pas de cohérence à ce sujet, ce qui peut conduire à une sous-estimation des risques.


Une illustration de ce « patchwork » : la gestion des risques transfrontières

Bien que les rapports des pays reflètent une hiérarchisation des procédures et des mesures de gestion des risques recensés, il semble y avoir des lacunes en matière de mise en œuvre ou de déclaration de ces procédures et mesures.
La plupart des mesures transfrontalières signalées concernent les risques nucléaires et radiologiques, les inondations, les accidents industriels, les incendies de forêt et les perturbations des infrastructures. Selon le rapport, environ 70 % des pays ayant recensé certains risques transfrontières fournissent également des informations sur les mesures de gestion de ces risques transfrontières.

Aucun pays ne fait état de mesures visant à gérer tous les risques transfrontières recensés.
La coopération transfrontalière se concentre principalement sur la préparation et, dans une moindre mesure, sur la prévention et l’évaluation des risques transfrontières.
La plupart des mesures signalées pour la coopération transfrontalière sont «non structurelles»: formation et éducation, systèmes d’alerte précoce et sensibilisation du public, par exemple.

Un exemple d’un cadre lacunaire : la sensibilisation aux risques et les systèmes d’alerte

Les États membres et les États participants ne communiquent pas tous des informations détaillées sur la sensibilisation aux risques, bien que les conséquences négatives des catastrophes puissent être réduites en préparant la population au comportement à adopter en cas d’urgence.
Environ trois quarts des pays font état d’activités menées par les autorités de protection civile et d’autres organismes clés pour fournir des informations sur les risques de catastrophe et sensibiliser la population aux risques, mais les informations spécifiques sont rares. 
Les pays informent la population des risques pour mieux la sensibiliser aux risques de manière générale, mais seule la moitié des pays déclarent que leurs évaluations des risques sont accessibles au public.

Il est essentiel de répondre aux besoins des groupes les plus vulnérables dans la gestion des risques, mais peu de pays font état d’activités allant dans ce sens.
La détection précoce des catastrophes imminentes est essentielle pour réduire les conséquences négatives. Toutefois, seule la moitié environ des pays qui qualifient certains risques de pertinents indiquent avoir mis en place des systèmes d’alerte précoce pour ces risques. 



synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr 

 

A lire sur securiteinterieure.fr  : 

jeudi 14 mars 2024

Europol et l’Agence de l'UE sur les drogues s’alarment d’une Europe devenue plaque tournante des trafics

 


 

31, c’est le nombre en milliards d’euro du marché européen au détail des stupéfiants. Toujours plus drogues disponibles, un marché juteux et résilient, ainsi que des criminels particulièrement adaptatifs et ingénieux. Voici résumé le rapport conjoint d’Europol et de l’EMCDDA (future agence européenne des drogues). Ce rapport s’inquiète de la hausse de la violence liée au marché de la drogue, favorisant un accroissement du sentiment d’insécurité de l’opinion publique. La France est, semble-t-il, un cas d’école à cet égard.




Que disent Catherine De Bolle, directrice d’Europol et Alexis Goosdeel, directeur de l’EMCDDA ?

La mondialisation continue d’avoir un impact significatif dans la mesure où les criminels exploitent les opportunités offertes par les réseaux interconnectés de communication, de commerce et de transport pour la coopération criminelle et l’intégration tout au long des chaînes d’approvisionnement. Ces évolutions ont influencé les liens entre le commerce illicite de drogues et d’autres domaines criminels dans l’Union européenne, tels que le trafic d’armes à feu, dans la mesure où les réseaux de trafiquants de drogue ont besoin d’une gamme d’outils et de capacités pour faciliter leurs activités.

 

Le marché européen de la drogue a connu une augmentation sans précédent de la disponibilité de drogues illicites, comme en témoignent une pureté élevée des drogues et des prix stables au niveau de détail, ainsi qu'une diversification des drogues et des produits de consommation. Cette situation est également due à des niveaux élevés de la demande et à l’innovation criminelle, les marchés des drogues illicites étant devenus très résilients et adaptables face à des événements mondiaux inattendus.
Cela alimente également l’expansion du crime organisé, l’augmentation des niveaux de corruption et l’exploitation des individus vulnérables.

Selon Catherine De Bolle et Alexis Goosdeel, il est essentiel de reconnaître l’interconnexion mondiale des marchés et des acteurs criminels pour élaborer des réponses efficaces aux menaces actuelles et futures, car les développements dans d’autres parties du monde continueront d’influencer les marchés de la drogue de l’UE.


Un marché particulièrement juteux

Sur la base des données de 2021, la valeur au détail du marché européen des drogue est estimée à au moins 31 milliards d’euros. C'est une source de revenus majeure pour le crime organisé. Une caractéristique clé de ce marché est l’interdépendance entre les différentes drogues illicites, avec des réseaux criminels et des courtiers et facilitateurs clés se livrant souvent à une polycriminalité liée aux drogues.

Le rapport note que le marché européen de la drogue a fait preuve d’une résilience remarquable face aux crises mondiales, à l’instabilité et aux changements politiques et économiques importants. Parmi les exemples récents de tels chocs figurent la pandémie de COVID-19, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et l’arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan. En réponse, les réseaux criminels se sont adaptés, modifiant les itinéraires du trafic et diversifiant leurs méthodes.

Certains États membres de l’UE connaissent des niveaux sans précédent de violence liée au marché de la drogue, souvent liée aux marchés de la cocaïne et du cannabis. Cela a de graves conséquences sur la société dans son ensemble, augmentant le sentiment d’insécurité du public.


Une offre de drogue large, diverse et attractive

D’après le rapport, la disponibilité reste élevée pour les principales drogues utilisées en Europe, comme en témoignent les quantités importantes, voire croissantes, qui continuent d'être saisies dans l'Union européenne. En outre, le marché des drogues illicites se caractérise par la diversification des produits de consommation et la large disponibilité d’une gamme plus large de drogues, y compris de nouvelles substances psychoactives, souvent d’une grande puissance ou d’une grande pureté.

L’innovation dans la production de drogues illicites se traduit par des rendements plus élevés, une puissance ou une pureté accrue et une gamme plus large de produits de consommation. Les réseaux criminels continuent d’introduire de nouveaux produits chimiques pour produire des drogues synthétiques, posant ainsi des défis complexes aux forces de l’ordre. L’innovation dans la dissimulation chimique des drogues complique également considérablement la détection et l’interdiction. Simultanément, les réseaux criminels exploitent les avancées numériques et les opportunités technologiques pour dissimuler les communications illicites, améliorer les modèles de distribution de drogue et réduire les risques.


L’UE, devenu producteur majeur de drogue

La production à l'échelle industrielle de cannabis et de drogues synthétiques, telles que l'amphétamine, la méthamphétamine, la MDMA et les cathinones, a lieu dans l'UE pour les marchés nationaux et internationaux. L’ampleur et la complexité de la production de drogues synthétiques en Europe dépendent de l’innovation dans les méthodes et les équipements, ainsi que de la disponibilité des principaux produits chimiques nécessaires.
La transformation à grande échelle de la cocaïne a désormais lieu également au sein de l’Union européenne. L’Europe est également probablement une zone de transit importante pour les flux mondiaux de drogue.


Le trafic international de drogues ou le défi des petits colis

Selon le rapport, un facteur majeur contribuant à l’augmentation de l’efficacité est la tendance à acheminer des envois individuels de drogue plus importants par voie maritime, en exploitant les conteneurs circulant à travers les plates-formes logistiques mondiales.
En conséquence, au cours des dix dernières années, la quantité de drogues saisies dans l’Union européenne a considérablement augmenté tandis que le nombre de saisies pour la plupart des types de drogues a diminué. La diminution du nombre de saisies peut s'expliquer en partie par une concentration moindre et une priorité moindre dans la répression des infractions liées à la possession et à l'usage de drogues dans certains États membres.

A ce propos, la numérisation a joué un rôle important en facilitant la vente et la distribution de nouvelles substances psychoactives.
Les nouvelles substances psychoactives sont principalement expédiées vers l’Union européenne depuis des pays tiers.
Alors que la Chine reste un fournisseur majeur, les mesures de contrôle de certaines substances synthétiques (telles que les cathinones, les cannabinoïdes et les opioïdes) semblent avoir incité une partie de la production de nouvelles substances psychoactives (NPS) à se déplacer vers l'Inde – qui est devenue une source majeure, probablement en raison d'un manque de contrôles nationaux en matière de production.


Le marché un européen, un marché avant tout du cannabis

Le rapport indique que le cannabis est la drogue illicite la plus couramment consommée dans l'Union européenne, avec environ 22,6 millions d'adultes en ayant consommé au cours de l'année écoulée, et il reste le plus grand marché de drogue dans l'Union européenne.
En 2021, les saisies de cannabis dans l’Union européenne ont atteint des niveaux records, avec 256 tonnes d’herbe de cannabis et 816 tonnes de résine saisies.
La majeure partie de l'herbe de cannabis consommée dans l'Union européenne semble être produite ici, notamment en Espagne, où les sites de culture de cannabis à grande échelle ont été démantelés. La région des Balkans occidentaux joue également un rôle dans l’approvisionnement en herbe de cannabis, tandis que le Maroc reste le plus grand fournisseur de résine de cannabis.
Cependant, il existe des signes d’augmentation de la production de résine dans l’Union européenne, même si la quantité est probablement faible par rapport à celle du Maroc.


La cocaïne, une grosse entreprise qui ne connaît pas la crise

D’après le rapport, la cocaïne est la deuxième drogue illicite la plus consommée dans l'Union européenne et le deuxième marché de drogues illicites en termes de revenus générés. Il existe également des signes d’un changement potentiel dans le rôle de l’Europe dans le commerce mondial de la cocaïne. Cela se voit dans l’utilisation croissante de l’Union européenne comme point de transit pour les expéditions de cocaïne vers d’autres régions et dans la tendance croissante à ce que certaines étapes de la production de cocaïne aient lieu au sein de l’Union européenne.
Les faits indiquent que les réseaux criminels latino-américains et européens collaborent à la production de cocaïne au sein de l’Union européenne.
Des quantités record de cocaïne ont été saisies chaque année dans l'Union européenne depuis 2017, avec 303 tonnes saisies par les États membres en 2021. La Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne signalent les volumes de saisies les plus élevés, ce qui reflète leur importance en tant que points d'entrée de la cocaïne.


Vers une déferlante de l’héroïne synthétique ?

Selon le rapport, l’héroïne reste l’opioïde illicite le plus couramment consommé.
Il est important de noter que les changements politiques en Afghanistan, principale source d’héroïne consommée en Europe, devraient perturber ce marché. L'interdiction des drogues annoncée par les talibans en avril 2022 semble avoir pris effet, car les données disponibles suggèrent une réduction significative de la culture du pavot à opium et de la production d'héroïne en 2023.
Cela pourrait précipiter une diminution de la disponibilité de l'héroïne dans l'Union européenne, ce qui pourrait conduire à combler les lacunes du marché. par d’autres drogues, y compris de puissants opioïdes synthétiques, avec un impact négatif important sur la santé et la sécurité publiques.
Les réseaux criminels turcs continuent de dominer le trafic de gros d'héroïne vers le marché européen, même si d'autres réseaux, tels que ceux liés à la région des Balkans occidentaux, sont également actifs dans le trafic d'héroïne.


Un exemple d’Eumolpe plaque tournante de la drogue : le cas de l’amphétamine

L’Union européenne est un marché important à l’échelle mondiale pour l’amphétamine, avec environ 90 tonnes de drogue consommées en 2021. Si l’amphétamine est généralement peu coûteuse et peu pure, on trouve des amphétamines de grande pureté et peu coûteuses en Belgique et aux Pays-Bas – le principal centres de production. Une certaine production d'amphétamine a également lieu en Allemagne et en Pologne, et occasionnellement ailleurs.

D'importantes expéditions de comprimés de captagon contenant de l'amphétamine transitent également par les ports de l'UE, depuis les centres de production en Syrie et au Liban, vers la péninsule arabique, le principal marché de consommation mondial. Cependant, une certaine production de captagon est également pratiquée dans l'Union européenne, principalement aux Pays-Bas, pour l'exportation vers les grands marchés de consommation.


La méthamphétamine, un marché en plein essor

Le marché de la méthamphétamine dans l'Union européenne, bien que relativement faible à l’échelle mondiale, elle pourrait croître. La pureté moyenne de la méthamphétamine a augmenté au cours de la dernière décennie, notamment depuis 2019.
La production industrielle de méthamphétamine a lieu aux Pays-Bas et, dans une moindre mesure, en Belgique. Les innovations dans la production européenne de méthamphétamine ont accru l’efficacité et la production.
Comme pour les autres drogues synthétiques, il reste difficile de contrôler la disponibilité des précurseurs à mesure que les réseaux criminels s’adaptent à la législation.

La production à grande échelle de méthamphétamine dans l’Union européenne a été motivée par la collaboration entre les producteurs européens de drogues synthétiques et les réseaux criminels mexicains. L’échange de connaissances entre les Pays-Bas et le Mexique, en particulier, a conduit à la création d’installations de production de méthamphétamine plus sophistiquées et plus grandes.
La production de méthamphétamine en Afghanistan constitue également une menace, en raison du trafic potentiel vers l'Union européenne via les routes établies de l'héroïne.


La MDMA ou l’ illustration d’un marché adaptatif et résilient

Même si les données actuelles suggèrent une situation globalement relativement stable en ce qui concerne la consommation de MDMA, il existe des différences considérables au niveau national.
L'Europe est un producteur de MDMA à grande échelle, le marché de consommation intérieur étant approvisionné par des producteurs européens. À l’instar de la production d’autres drogues synthétiques en Europe, la production de MDMAest largement concentrée aux Pays-Bas ou dans leurs environs. De grandes quantités de MDMA produites en Europe sont également exportées vers des marchés en dehors de l’Union européenne, notamment en Australie et dans les Amériques.
Comme c’est le cas pour d’autres drogues synthétiques, les producteurs de MDMA adaptent souvent leur utilisation de produits chimiques et de précurseurs afin d’éviter les contrôles.
La force globale des comprimés et des poudres de MDMA disponibles sur le marché de détail reste élevée par rapport aux normes historiques, même si dans certains pays clés, il semble y avoir une tendance à la baisse.


La nouvelle menace de la « cocaïne rose »

Une autre menace est l’émergence récente de nouveaux produits de consommation MDMA, tels que les produits comestibles et liquides, qui pourraient attirer de nouveaux groupes de consommateurs.
Il semble également que la « cocaïne rose » ou « tucibi », un mélange de MDMA avec de la kétamine, de la cocaïne ou du 2C-B signalé pour la première fois dans les pays d’Amérique latine, fasse son apparition sur le marché européen.
Pris ensemble, ces développements montrent que le marché européen de la MDMA est dynamique et résilient.


Le défi des nouvelles drogues

Le commerce de nouvelles substances psychoactives (NPS) représente un défi important et dynamique pour le marché européen des drogues, dans la mesure où ces substances évoluent constamment pour échapper aux restrictions légales. En 2022, un nombre record de 30,6 tonnes de nouvelles substances psychoactives ont été saisies en Europe, en raison d'un nombre relativement faible de saisies importantes.

Depuis 2022, les cannabinoïdes semi-synthétiques sont vendus ouvertement en Europe comme substituts « légaux » du cannabis et du delta-9-THC. Ils sont fabriqués à partir de cannabinoïdes naturels, tels que le cannabidiol extrait du cannabis (chanvre) à faible teneur en THC. Des quantités importantes ont été importées des États-Unis, mais elles sont également produites en Europe. Certains signes indiquent que de nouveaux opioïdes synthétiques, tels que les nitazènes, sont davantage disponibles dans certaines régions d'Europe.
Récemment, des mélanges de nouveaux opioïdes avec des benzodiazépines (« benzo-dope ») ou le sédatif animal xylazine (« tranq-dope ») ont été signalés en Europe.

 

synthèse et traduction du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr (synthèse réalisée sans intelligence artificielle)


 

A lire aussi sur securiteinterieure.fr :

 

jeudi 7 mars 2024

Criminalité en ligne : l’Europe entend mieux lutter contre les deep fakes pédophiles

 


Une proposition de directive vient d’être publiée (encore en anglais au moment de la publication de cet article) pour renforcer la lutte contre la pédophilie, en particulier la pédophile en ligne.
Cette proposition, qui abroge la directive de 2011 en vigueur actuellement, renforce la répression. Elle intervient à l’heure où le Contrôleur européen à la protection des données enjoint de rester vigilant face aux risques de surveillance de masse et où le Conseil d’Etat saisit la Cour de justice (CJUE) concernant blocage des sites pornographiques ne contrôlant pas l’âge de leurs visiteurs.
Parmi le panel des mesures contenues dans la proposition de directive, et tendant à élargir la répression, il est possible de relever :

  • Une approche technologiquement neutre de la pédocriminalité, de manière à adapter cette répression aux innovations numériques,
  • Un allongement des délais de prescription
  • Une harmonisation à la hausse des sanctions
  • Un accent mis sur la sensibilisation et l'éducation.


A noter aussi le souhait d'une montée en puissance du Centre de l'UE contre la pédophilie, prévu par la proposition de règlement CSAM, afin d'en faire une plate-forme commune de connaissances sur ce phénomène.




D’où vient-on ?

En juillet 2020, la Commission a présenté une stratégie de l'UE pour une lutte plus efficace contre les abus sexuels sur les enfants.
Cette stratégie définit huit initiatives visant à assurer la pleine mise en œuvre et, si nécessaire, le développement du cadre juridique visant à lutter contre les abus et l'exploitation sexuels des enfants.

En 2022, la Commission a mené une évaluation pour évaluer la mise en œuvre de la directive de 2011. Or, l’étude a soulevé des inquiétudes liées à la croissance exponentielle du partage en ligne de matériels d’abus sexuels sur des enfants et aux possibilités accrues pour les auteurs de cacher leur identité (et dissimuler leurs activités illégales), notamment en ligne, échappant ainsi aux enquêtes et aux poursuites. Elle révèle que la présence accrue d'enfants en ligne et les derniers développements technologiques posent des défis aux forces de police tout en créant de nouvelles possibilités d'abus qui ne sont pas entièrement couvertes par la directive actuelle.
Par ailleurs, elle a constaté que la très grande marge de différenciation nationale laissée en matière de prévention et d'assistance aux victimes.

Un maillage réglementaire déjà serré

La proposition complète d'autres initiatives de l'UE qui, directement ou indirectement, abordent certains aspects des défis liés aux infractions d'abus et d'exploitation sexuels sur enfants. Ces initiatives comprennent :

  • la directive de 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité ;
  • la directive d'avril 2011 relative à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains et à la protection de ses victimes ;
  • le  règlement de 2022 dit "DSA" (Digital Services Act).
  • la proposition de règlement établissant des règles visant à prévenir et à combattre les abus sexuels sur les enfants.



Une imbrication avec la proposition de règlement CSAM

La proposition de règlement CSAM oblige les fournisseurs de services en ligne à assumer la responsabilité de protéger les enfants qui utilisent leurs services contre les abus sexuels sur enfants en ligne.
La directive constitue le pilier du droit pénal sur lequel repose le règlement proposé.
Cette proposition de règlement s'appuie sur la directive pour définir ce qui constitue une infraction pénale car il s'agit d'un matériel et d'une sollicitation d'abus sexuels sur des enfants.

Les deux instruments se renforceraient mutuellement pour apporter conjointement une réponse plus globale au crime d’abus et d’exploitation sexuels d’enfants, tant hors ligne qu’en ligne.
En particulier, le Centre de l'UE pour prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants, envisagé dans le règlement proposé, jouerait également un rôle important en soutenant les actions des États membres en matière de prévention et d'assistance aux victimes dans le cadre de cette proposition.
Même si le Centre de l’UE aiderait les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire à fournir des rapports de meilleure qualité, il ne modifierait pas la répartition actuelle des responsabilités entre Europol, Eurojust et les autorités répressives et judiciaires nationales.

Mieux lutter contre les deep fakes

Le développement des environnements de réalité augmentée, étendue et virtuelle et la possibilité d'utiliser à mauvais escient l'intelligence artificielle pour créer des « deepfakes », c'est-à-dire du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants réaliste et créé synthétiquement, a déjà élargi la définition de « image ». Les modifications apportées à la directive existante visent à garantir que la définition du matériel pédopornographique couvre ces développements technologiques d'une manière suffisamment neutre sur le plan technologique et donc à l'épreuve du temps.

Empêcher la diffusion de manuels pédophiles

Des manuels circulent qui fournissent des conseils sur :

  • la façon de retrouver et de maltraiter les enfants
  • la manière d'éviter d'être identifié par la police ou de faire l'objet d'une enquête et de poursuites
  • la meilleure façon de cacher les matériels pédophiles.

En abaissant les barrières et en fournissant le savoir-faire nécessaire, ces manuels, appelés « manuels pédophiles », contribuent à inciter les délinquants et à soutenir la commission d'abus sexuels, et devraient donc également être criminalisés.
La proposition de directive vise donc à englober parmi le matériels pédophiles, ce type de manuels.

Une clarification nécessaire des échanges entre jeunes

Les modifications apportées à la directive existante comprennent également une définition des pairs, comme des personnes, y compris des enfants et des adultes, qui sont proches en termes d'âge et de degré de développement ou de maturité psychologique et physique.
Elle clarifie aussi les ambiguïtés actuelles du texte de la directive, notamment en garantissant que l'exonération de la criminalisation des activités sexuelles consensuelles soit correctement comprise comme s'appliquant uniquement au matériel produit et possédé entre enfants ou entre pairs, plutôt qu'à entre un enfant ayant dépassé l’âge du consentement sexuel et un adulte de tout âge.


Une aggravation des sanctions et un allongement de la prescription

Le niveau des sanctions pour se livrer à des activités sexuelles avec un enfant en cas de recours à la prostitution enfantine est porté à 8 ans lorsqu'il s'agit d'un enfant en dessous de l'âge du consentement sexuel, et à 4 ans lorsque l'enfant a dépassé l'âge du consentement sexuel.

La nouvelle version de la directive vise à garantir que les délais de prescription ne puissent pas commencer à courir avant que la victime n'ait atteint l'âge de la majorité. Les modifications imposent les normes minimales suivantes en ce qui concerne la durée des délais de prescription :

  • pour les infractions passibles en vertu de la présente directive d'une peine maximale d'au moins 3 ans, le délai de prescription est d'au moins 20 ans.
  • pour les infractions passibles en vertu de la présente directive d'une peine maximale d'au moins 5 ans, le délai de prescription est d'au moins 25 ans.
  • pour les infractions passibles en vertu de la présente directive d'une peine maximale d'au moins 8 ans, le délai de prescription doit être d'au moins 30 ans.



Une extension des incriminations

La proposition de directive prévoit :

  • que tous les États membres criminalisent et prévoient des enquêtes et des poursuites efficaces en cas d'abus sexuel sur des enfants diffusés en direct. Ce phénomène a connu une augmentation considérable ces dernières années et a soulevé des défis spécifiques en matière d'enquête, liés à l'impermanence des abus diffusés en continu et au manque de preuves qui en résulte pour les organismes d'enquête.
  • de criminaliser le fait de gérer une infrastructure en ligne dans le but de permettre ou d'encourager les abus ou l'exploitation sexuels d'enfants. Elle vise à s'attaquer au rôle joué par le dark web dans la création de communautés de délinquants ou de potentiels délinquants.


Une plus grande répression face aux personnes ayant un contact avec les enfants

La nouvelle version de la directive vise à lutter contre les risques que les délinquants puissent retrouver l'accès aux enfants par le biais d'un emploi ou d'activités bénévoles. Elle impose aux employeurs recrutant pour des activités professionnelles et bénévoles impliquant des contacts étroits avec des enfants et recrutant pour des organisations agissant dans l'intérêt public contre les abus sexuels sur enfants de demander le casier judiciaire des personnes à recruter.
Elle oblige également les États membres à fournir un casier judiciaire aussi complet que possible en réponse à de telles demandes, en utilisant le système européen d'information sur les casiers judiciaires lorsque cela est pertinent et toute autre source d'information appropriée.


Davantage de moyens pour la police

La nouvelle version de la directive vise à surmonter les défis liés aux enquêtes, notamment liés à l'utilisation des technologies en ligne, qui sont apparus dans le contexte de l'évaluation de la directive.
Elle requiert que les États membres veillent à ce que les personnes, unités ou services qui enquêtent et poursuivent les infractions pédophiles disposent d'un personnel suffisant, de l'expertise et d'outils d'enquête efficaces, y compris la possibilité de mener des enquêtes d'infiltration sur le dark web.

Favoriser la formation et la prévention


La proposition de directive exige que les États membres favorisent la formation régulière non seulement des policiers de première ligne susceptibles d'entrer en contact avec des enfants victimes d'abus ou d'exploitation sexuels, mais également des juges et autres professionnels concernés, afin de garantir une justice adaptée aux enfants.
Elle oblige les États membres à œuvrer à la prévention des abus sexuels sur enfants en ligne et hors ligne et les oblige à adopter des programmes de prévention spécifiques dédiés aux enfants en milieu communautaire, compte tenu de leur vulnérabilité particulière.

Une montée en puissance du Centre de l'UE pour prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants

La proposition de directive oblige les États membres à collecter périodiquement des statistiques sur les infractions incluses dans la directive selon une méthodologie commune développée en coopération avec le Centre de l'UE, à partager ces statistiques avec le Centre de l'UE et la Commission et à les rendre publiques.
Le Centre de l'UE devrait à son tour compiler toutes les statistiques reçues et rendre cette compilation accessible au public.

L’immunité juridique pour mieux protéger certains acteurs impliqués dans la lutte

La révélation des abus sexuels sur enfants constitue toujours un défi majeur dans les efforts visant à mettre fin aux abus sexuels sur enfants et à prévenir de nouveaux abus sexuels, notamment parce que les éducateurs et les prestataires de soins de santé, ainsi que les autres professionnels travaillant en contact étroit avec les enfants, peut hésiter à alléguer que quiconque – potentiellement un collègue ou un pair – a commis des abus sexuels sur des enfants.
La directive a été donc modifiée pour instaurer une obligation de déclaration, afin d'assurer une sécurité juridique à ces professionnels.

En outre, il existe des organisations agissant dans l'intérêt public contre les abus sexuels sur enfants, telles que les lignes d'assistance téléphonique INHOPE.
Ces organisations reçoivent des rapports du public sur des matériels d'abus sexuels sur des enfants et facilitent la suppression de ces matériels et l'enquête. de l'infraction. Lorsqu’elles examinent et analysent ou traitent de toute autre manière des éléments constituant des images ou des vidéos d’abus sexuels sur des enfants à des fins de suppression ou d’enquête, ce traitement ne devrait pas être incriminé.

Une meilleure protection des victimes…

La proposition de directive étend la disponibilité de l'assistance et du soutien aux victime. Afin de soutenir le développement et l'expansion des meilleures pratiques dans les États membres, le Centre de l'UE, une fois créé, soutiendrait les efforts des États membres en collectant des informations sur les mesures et programmes disponibles et en rendant ces informations largement disponibles.

La proposition de directive garantit que les examens médicaux d'un enfant victime aux fins de la procédure pénale, susceptibles de retraumatiser un enfant, soient limités au strict nécessaire et effectués par des professionnels dûment formés.

… Qui implique la possibilité de demander réparation

La proposition de directive renforce :

  • la position des victimes et des survivants d'abus sexuels sur enfants en renforçant leur droit de demander réparation pour tout préjudice subi en relation avec des infractions d'abus et d'exploitation sexuels sur enfants, y compris les dommages causés par la diffusion en ligne de documents concernant l'abus,
  • les normes minimales de l’UE en ce qui concerne à la fois le délai de demande d’indemnisation et les éléments à prendre en compte lors de la détermination du montant de l’indemnisation.


 

synthèse et traduction du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

A lire sur securiteinterieure.fr :